Bienvenue sur ces rivages oniriques !

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Rivages oniriques est un blog consacré aux cultures de l’Imaginaire (fantasy, fantastique, science-fiction) et aux cultures de genre (historique, thriller, épouvante…).

Vous y trouverez donc de nombreuses chroniques littéraires, mais aussi des critiques de films, de séries télévisées, d’expositions… et bien d’autres choses encore, toutes liées, de près ou de loin, à ces genres qui nous font rêver, vibrer, cauchemarder, et nous aventurer loin du territoire familier de notre quotidien.

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Et, surtout, n’hésitez pas à laisser une trace de votre passage, à donner vous-mêmes vos avis ou vos conseils de lecture, de visionnage, d’écoute ou d’incursion…

Très bonne visite !

mercredi 13 décembre 2017

Interview Alex Evans

Laissons la parole à…

Alex Evans (auteure)


Après une participation remarquée à la conférence « Le steampunk : un genre poétique et politique » qui s’est déroulée le 5 novembre 2017 au Salon fantastique, Alex Evans, romancière et fondatrice de l’excellent blog Romans de fantasy, revient pour partager avec nous sa passion du steampunk.

Bonjour Alex. Tout d’abord, pouvez-vous nous présenter votre roman, Sorcières associées, paru aux éditions Actu SF ?
Il s’agit d’un roman steampunk un peu particulier, puisqu’il ne se déroule ni dans un Londres brumeux, ni dans le Paris de l’Exposition universelle de 1889 mais à Jarta, une cité imaginaire qui évoque plutôt les grands ports francs asiatiques de la fin du XIXe siècle : Hong Kong, Singapour, Shanghai... Une ville où presque rien n’est interdit, où l’argent règne en maître et où se mêlent peuples et cultures différents, technologie et magie.
Nous suivons les aventures de deux femmes aux caractères diamétralement opposés qui se sont associées pour ouvrir un cabinet de sorcellerie. Elles se retrouvent confrontées à deux affaires : d’une part, elles doivent libérer un vampire envoûté par un mystérieux sorcier qui l’oblige à commettre des meurtres aux quatre coins de la ville et, d’autre part, elles doivent trouver la cause d’incidents étranges survenus dans une usine où les ouvriers traditionnels ont été remplacés par des zombies.
En parallèle, les deux associées doivent aussi gérer des problèmes dans leur vie personnelle : le retour d’une vieille connaissance encombrante pour l’une, une fille préado exubérante pour l’autre.
Le roman aborde de nombreux sujets : le travail, l’argent, le prix à payer pour certaines choses en général, le poids du passé… Mais le thème principal est le changement : changements technologiques de la révolution industrielle qui survient dans cet univers, mais aussi changements personnels pour les deux héroïnes : chacune a dû fuir son pays pour se réfugier à Jarta et refaire sa vie. Enfin, le monde où elles habitent est à l’aube d’un bouleversement sans précédent, puisque la magie, ses créatures, ses règles et ses dangers, y ont fait irruption seulement vingt ans auparavant.

 

Quel a été votre approche du steampunk dans ce roman ?
J’ai volontairement évité les clichés des « grosses machines ». Ce qui m’intéressait, c’était l’esprit du XIXe siècle, son optimisme et sa soif de connaissances. À l’époque, les gens étaient convaincus que le progrès technique ne pouvait qu’apporter le bonheur et les personnages de mon roman partagent cette mentalité. Ils traitent la magie de la même façon que la chimie ou l’électricité : pour eux, c’est une science qui peut déboucher sur un usage pratique. Au lieu de faire des incantations seuls dans leur coin, les nouveaux sorciers ouvrent des cabinets, exactement comme les médecins, les avocats et les notaires, ou font des recherches en laboratoire dans les facultés. Bientôt, on a l’idée de faire tourner les usines avec des zombies, bien plus rentables que des ouvriers vivants. Seulement, si ces hommes « modernes » et « rationnels » croient avoir tout compris, la magie ne va pas s’avérer aussi simple qu’elle en a l’air…

Quel est selon vous l’avenir du steampunk ?
Je pense qu’il va prendre d’autant plus d’importance dans les prochaines années qu’il est un genre récent et innovant par rapport à la fantasy classique. Il n’a pas encore de canons rigides. Aussi, c’est un genre hétéroclite où chaque auteur met ce qu’il veut. On y voit aussi bien des romans qui traitent d’intelligence artificielle que de féminisme, de pollution ou de guerre. C’est aussi un genre qui parle de changement. Dans les romans de S-F ou de fantasy, la technologie est le plus souvent figée. En steampunk, on peut voir une société et sa technologie évoluer au fil des pages. Après tout, c’était l’une des grandes caractéristiques du XIXe siècle. Dans la plupart des romans de fantasy classique, le héros a peu de choix quant à sa profession : noble, roi (chef, général…), guerrier (assassin, mercenaire…), sorcier. L’héroïne, n’en parlons pas. Mais en steampunk, le héros peut aussi être espion, chasseur de monstres, ingénieur, pilote d’aéronef, matelot, scientifique, archéologue, aventurier, explorateur, militaire, artisan, ouvrier, détective, musicien, journaliste, domestique, étudiant… et l’héroïne peut être tout ça aussi ! Car, paradoxalement, ces romans mettent bien souvent en scène des personnages féminins qui n’ont pas besoin de prince charmant pour se tirer d’affaire ! Et autant de métiers, autant de thèmes différents à traiter ! Enfin, le steampunk emprunte souvent au XIXe son dynamisme et son optimisme (n’était-ce pas l’époque des self-made-men ?). On en a besoin en 2017 ! Enfin, peut-être le steampunk évoluera-t-il vers le dieselpunk* ?

Quels romans de steampunk nous conseilleriez-vous ?
La Guerre du Lotus de Jay Kristoff : Dans un pays qui rappelle le Japon des années 1940, tout repose sur la culture du Lotus Rouge qui sert aussi bien de source d’énergie que de médicament, ou à fabriquer les objets du quotidien. Seulement, cette plante toxique et polluante est en train de tuer le pays à petit feu. Les habitants portent constamment des masques à gaz. Les créatures magiques ont déjà disparu. Sur la foi d’un rêve, l’empereur envoie son dernier chasseur et sa fille capturer celui qui serait le dernier griffon…
Ce roman traite magistralement de thèmes comme la pollution, la dictature et, de façon diamétralement opposée, le merveilleux. L’auteur possède un style poétique et très original.
La Mort du nécromant de Martha Wells : Nicholas Valiarde, gentleman-cambrioleur, prépare une terrible vengeance contre le comte Montesq qui a assassiné son maître. Mais des évènements étranges viennent bouleverser ses plans, évoquant le retour d’un sorcier terrifiant.
Pas de grosses machines dans ce roman, mais les ombres du comte de Monte-Cristo et d’Arsène Lupin y rôdent à chaque détour. La plume de l’autrice possède une grande puissance d’évocation et nous voyons apparaître devant nous restaurants, bals, gares et souterrains.
Les Voies d’Anubis de Tim Powers : Le professeur Brendan Doyle accepte de servir de guide lors d’un voyage organisé… dans le temps – plus exactement, l’année 1810 – par un millionnaire excentrique. À la suite d’un quiproquo, il se retrouve plongé dans une aventure rocambolesque, mêlant sorciers égyptiens, mendiants et sociétés secrètes.
Ce roman est considéré comme l’un des fondateurs du steampunk, pourtant vous aurez du mal à y trouver des machines à vapeur ou des engrenages ! Mais c’est un récit malin, enlevé, qui parvient à mêler aussi bien le thème du voyage dans le temps que celui de la mythologie égyptienne, du loup-garou ou de l’identité. Attention cependant : il est truffé de références historiques et littéraires qu’il vaut mieux connaître si vous voulez suivre l’intrigue. Personnellement, je l’ai lu avec un dictionnaire !

Merci, Alex !


Propos recueillis par Troglodyte onirique

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* Le dieselpunk est un dérivé du steampunk. Alors que le steampunk se déroule généralement dans une version alternative du XIXe siècle européen, dans un contexte de Révolution industrielle, le dieselpunk couvre plutôt la période comprise entre le début de la Première Guerre mondiale et le début des années 50.