Bienvenue sur ces rivages oniriques !

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Rivages oniriques est un blog consacré aux cultures de l’Imaginaire (fantasy, fantastique, science-fiction) et aux cultures de genre (historique, thriller, épouvante…).

Vous y trouverez donc de nombreuses chroniques littéraires, mais aussi des critiques de films, de séries télévisées, d’expositions… et bien d’autres choses encore, toutes liées, de près ou de loin, à ces genres qui nous font rêver, vibrer, cauchemarder, et nous aventurer loin du territoire familier de notre quotidien.

Nous espérons que vous serez nombreux à nous rendre visite.

Et, surtout, n’hésitez pas à laisser une trace de votre passage, à donner vous-mêmes vos avis ou vos conseils de lecture, de visionnage, d’écoute ou d’incursion…

Très bonne visite !

vendredi 17 octobre 2014

La guerre de Troie n’aura pas lieu
de Jean Giraudoux (éditions Larousse)


Résumé :
En enlevant Hélène aux Grecs, Pâris amène le conflit aux portes de Troie. Son frère, Hector, revenu de campagne, las de la guerre, veut l’obliger à mettre un terme à son aventure amoureuse en rendant la femme de Ménélas à son époux. Mais Pâris n’est pas le seul à refuser de se séparer de la belle Hélène…


Critique (attention, spoilers) :
Nous connaissons tous la chute de Troie. Reprenant les grandes lignes de la tragédie antique, Jean Giraudoux a choisi de n’aborder, dans cette pièce de théâtre écrite en 1935, que les prémices de la guerre entre Grecs et Troyens, à un temps où elle peut encore être évitée. Encore faut-il que ce soit possible, car le Destin implacable veille à ce que ses projets se réalisent en dépit de toutes les tentatives de paix…
En réalité, La guerre de Troie n’aura pas lieu ne parle pas de la guerre de Troie. Ou, plus exactement, Giraudoux utilise ce mythe grec pour parler de la guerre en général et faire écho, en particulier, à la situation européenne au cours des quelques années précédant la Seconde Guerre mondiale, alors que le conflit avance à grands pas, au su de tous, sans que personne n’ose intervenir.
Malgré la menace qui pèse sur les personnages, malgré ce sombre parallèle, Jean Giraudoux parvient à faire de cette tragédie une comédie fine et parfois osée en jouant sur différents ressorts propres au théâtre (le comique de situation, le comique de gestes et celui de mots), mais aussi la parodie, les anachronismes,… jusqu’au couperet final de la déclaration de guerre.
Mais ne nous y trompons pas. Sous la forme plaisante, le fond est grave, voire cynique, et les scènes burlesques soutiennent l’attention du spectateur tout en soulignant les moments sombres. Car dans cette réécriture moderne du mythe, deux camps s’affrontent : ceux qui veulent la paix (dont se réclame Jean Giraudoux) et ceux, plus véhéments encore, qui veulent la guerre. Puis il y a Hélène, distante, aux motivations un peu troubles. Et enfin le Destin.
La fatalité inhérente à la tragédie est dans chaque personnage. Elle est dans Cassandre qui voit l’avenir se profiler sans pouvoir lui faire changer sa course. Elle est dans Hector qui « gagne chaque combat. Mais de chaque victoire l’enjeu s’envole » (acte II, scène 11). Dans Hélène, qui paraît insensible et superficielle au premier abord, et qui révèle ensuite un raisonnement singulier mais empli d’une logique implacable sous ses atours mystérieux. Ou encore dans Ulysse au verbe clair et pénétrant, dont la ruse et le talent ne suffiront pas à convaincre les Grecs de préserver la paix.
« La guerre de Troie n’aura pas lieu », lance Andromaque à Cassandre à l’ouverture du rideau.
« La guerre de Troie n’aura pas lieu », soutient Hector tout au long de la pièce.
Mais le Destin dépasse la volonté des hommes. La guerre de Troie aura lieu, bel et bien. La Seconde Guerre mondiale aussi.