Bienvenue sur ces rivages oniriques !

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Rivages oniriques est un blog consacré aux cultures de l’Imaginaire (fantasy, fantastique, science-fiction) et aux cultures de genre (historique, thriller, épouvante…).

Vous y trouverez donc de nombreuses chroniques littéraires, mais aussi des critiques de films, de séries télévisées, d’expositions… et bien d’autres choses encore, toutes liées, de près ou de loin, à ces genres qui nous font rêver, vibrer, cauchemarder, et nous aventurer loin du territoire familier de notre quotidien.

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Et, surtout, n’hésitez pas à laisser une trace de votre passage, à donner vous-mêmes vos avis ou vos conseils de lecture, de visionnage, d’écoute ou d’incursion…

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samedi 2 janvier 2016

Star Wars
... ou quand la science-fiction et la fantasy se rencontrent et donnent naissance au
space opera

        Le 16 décembre 2015 sortait en France le très attendu Star Wars VII : Le Réveil de la Force. Plutôt que d’ajouter à la polémique lancée par George Lucas qui s’est dit déçu par ce nouvel opus, profitons-en pour nous interroger sur le genre et le sous-genre auxquels appartient la saga la plus populaire des temps modernes…
        Nous avons vu, dans notre article De la fantasy, du fantastique et du merveilleux, les particularités de ces trois genres, même si leurs frontières sont souvent floues ou poreuses (facilitant l’enchevêtrement des genres… et leur confusion). À présent, nous allons comparer la fantasy à un autre genre appartenant aux littératures de l’imaginaire : la science-fiction. À première vue, la distinction est aisée : l’une observe volontiers le passé tandis que l’autre est résolument tournée vers l’avenir.
        Bien sûr, on connaît le cas de la science-fantasy, dont Anne McCaffrey, avec son Cycle de Pern, est perçue comme l’un des chefs de file. La science-fantasy mélange des éléments de science-fiction (souvent une technologie très avancée ainsi qu’un cadre d’action se déroulant dans l’espace), et des éléments de fantasy (un système magique, ne reposant pas sur des bases scientifiques, ou un bestiaire relevant clairement de la fantasy, comme les dragons).
        Mais nous allons plutôt nous intéresser à un autre sous-genre de la S-F, le space opera, dont le représentant le plus connu est la saga Star Wars, bien que d’autres œuvres issues de ce sous-genre aient acquis une forte renommée, comme Dune de Frank Herbert (roman publié en 1965 aux États-Unis) ou encore les innombrables productions cross-médias Star Trek.
        Le space opera n’est pas né de l’imagination fertile de George Lucas. Officiellement, ce sous-genre est identifié dès les années 40 (mais il avait déjà fait des petits bien avant). L’expression a été inventée en 1941 par l’écrivain américain Wilson Tucker. Elle est issue de la fusion entre le soap opera, un terme désignant « les feuilletons radiophoniques à destination des ménagères souvent sponsorisés par des marques de lessive (1) », et l’espace (« space »), thème principal du space opera (littéralement « opéra de savon »). Vous l’aurez compris, Tucker ne portait pas dans son cœur les productions des années 30 qu’il catégorisait ainsi. Il faut dire qu’elles étaient alors très stéréotypées, mettant toujours en scène « des récits d’aventure et d’action se déroulant dans l’espace interstellaire et comportant une inévitable intrigue amoureuse sur fond de conflits avec des races extraterrestres (2) ».
        Avec le temps, le space opera a cependant évolué, gagnant en profondeur, tout en gardant ses caractéristiques de fiction à fort potentiel d’évasion.
        Le space opera partage ainsi de nombreux points communs avec la fantasy, en dépit de son attachement à la grande famille de la science-fiction. C’est pourquoi, pour éclairer notre propos, nous allons comparer deux œuvres, l’une attribuée à la fantasy, plus précisément à la fantasy épique, L’Assassin royal de Robin Hobb, et l’autre au space opera, Star Wars de George Lucas, pour mieux comprendre ce qui les rapproche.
        L’Assassin royal est un cycle de fantasy. Il pince les cordes du merveilleux (défini par Michel Jarrety comme reposant « sur l’acceptation immédiatement donnée d’un surnaturel qui ne suscite aucune surprise (3) ») en mettant en place un univers fictif dit « secondaire », c’est-à-dire un univers différent du nôtre (le monde alors dit « primaire »), fondé sur un système de magie cohérent et sur ses propres « lois naturelles (4) ». En effet, L’Assassin royal est la quête initiatique de Fitz, un bâtard royal doué du Vif et de l’Art, deux dons magiques, l’un populaire et avili, l’autre noble et recherché, parfaitement connus dans le royaume des Six-Duchés où se déroule l’action. Comme de nombreuses œuvres de fantasy (bien que ce ne soit pas une caractéristique fondamentale du genre), la trame de L’Assassin royal s’ancre dans un monde médiévalisant.
        Star Wars est en revanche une saga (originellement cinématographique mais qui a depuis longtemps dépassé ce cadre « étriqué ») de science-fiction, classée dans le sous-genre du space opera. Ainsi, Star Wars se caractérise, à l’instar des premières œuvres de space opera comme Le Cycle de Mars regroupant les aventures du héros John Carter, d’Edgar Rice Burroughs (aussi le créateur de Tarzan), par une intrigue se déroulant dans l’immensité spatiale, à l’échelle interplanétaire, et jouant sur les codes du western, du roman d’aventure et des récits de voyage (batailles épiques, duels, exotisme des paysages, des populations et des mœurs…).
        Bien que Star Wars ne tende pas vers un réalisme très poussé comme d’autres œuvres de space opera, il est clairement affiché que les différents peuples maillant cette « galaxie lointaine » bénéficient d’une technologie plus avancée que la nôtre (ainsi que le prouvent, entre autres, les vaisseaux spatiaux et les armements laser). C’est essentiellement pour cette raison que Star Wars se classe en science-fiction, et non en fantasy. 


        Néanmoins, si l’on y regarde de plus près, la frontière entre L’Assassin royal et Star Wars est très poreuse, comme peut l’être la ligne de démarcation entre fantasy et space opera. Dans la mesure où le space opera fait intervenir des planètes différentes de la Terre, inconnues de notre Voie Lactée, il semble logique que ces astres puissent répondre à des « lois naturelles » différentes de celles de notre monde, ce qui a pour effet de brouiller le cadre du merveilleux.
        Prenons l’exemple de la pesanteur. Celle de la Terre (qu’on peut définir comme faisant partie de nos lois naturelles) est six fois plus importante que celle de la Lune. Si cette dernière, qui appartient à notre système solaire, présente des lois naturelles différentes de la Terre, on peut imaginer que l’espace infini offre des possibilités encore plus extraordinaires et introuvables sur notre planète. La Force, si présente dans Star Wars et qui, avouons-le, revêt toutes les apparences d’un système magique, donc d’un élément merveilleux qui pourrait apparenter l’œuvre à la fantasy, sera ainsi plutôt perçue comme une hypothèse possible (à défaut d’être probable) sur le plan scientifique.
        Le space opera est donc un sous-genre de la science-fiction accessible à tous grâce à son souffle épique et son goût prononcé pour l’aventure, que l’on retrouve beaucoup dans la fantasy. Il peut être un bon compromis pour les passionnés de cette dernière peu accoutumés à la S-F mais qui souhaitent s’y essayer sans se sentir trop « dépaysés ». Et cela tombe bien, pour ceux (sans doute assez rares) qui ne connaissent pas encore La Guerre des étoiles, vous pouvez d’ores et déjà vous initier en fonçant dans les salles obscures : Star Wars VII : Le Réveil de la Force vous y attend. Quant aux autres… eh bien, ce n’est pas parce que vous êtes un spécialiste du space opera qu’il faut vous priver de ce plaisir !
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(1) Jacques Baudou, La Science-fiction, Paris, PUF, 2003, p. 30.
(2) Ibid., p. 30.
(3) Michel Jarrety (dir.), Lexique des termes littéraires, Paris, Le Livre de Poche, 2001, p. 263.
(4) Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Points, 1970, p. 29.