Maléfique
film réalisé par Robert Stromberg
Résumé :
Il était une fois
un royaume lointain, baignant dans la paix et la prospérité. Le couple royal
qui le gouvernait était bon pour son peuple, mais il était triste car il ne
parvenait pas à avoir d’enfants. Jusqu’au jour où la reine accoucha d’une
ravissante petite fille. Une grande cérémonie fut donnée en l’honneur de ce
bébé tant espéré. Tous les notables du royaume furent invités. Les fées
elles-mêmes furent conviées à se pencher sur le berceau. Mais l’une d’entre
elles avait été oubliée. La grande, l’odieuse, l’ignoble Maléfiq…
Ah non, c’est pas
le bon script… ça, c’est le dessin animé de 1959. Mais où est passé notre
film ? Ah, le voilà. Mmh, je reprends.
Il était une fois
deux peuples antagonistes : le peuple des hommes et celui de la féerie. Mais
que connaissent des conflits les enfants ? Un petit d’homme pénétra dans le
royaume de féerie pour y voler une pierre précieuse… et c’est le cœur de la
pétillante Maléfique, une jeune fée malicieuse, qu’il ravit. Les deux êtres que
tout séparait grandirent dans l’amitié, puis l’amour, respectant leurs
différences à l’abri de la brutalité du monde des hommes. Mais l’ambition et la
cupidité du jeune voleur mirent un terme à leur complicité. Pour devenir roi,
ce dernier endormit Maléfique par traîtrise et l’amputa de ses ailes.
À son réveil,
Maléfique, pétrie de douleur, sombra dans une haine dévastatrice dont rien ne
semblait pouvoir la sauver…
Critique
(attention, spoilers) :
Maléfique est un petit bijou d’humour et
de stéréotypes retournés comme des gants pour le plus grand plaisir des petits
et des grands. Angelina Jolie est lumineuse au cœur de la noirceur de son
personnage, lui insufflant une humanité et une vulnérabilité touchantes. Mais
les acteurs qui l’entourent ne sont pas en reste. Pour ne citer qu’eux, Sharlto
Copley, l’inoubliable Wikus van der Merwe de District 9 (ne serait-ce que pour son nom imprononçable) et
Elle Fanning, étoile montante à Hollywood, emplissent le film de leur présence dans
les rôles respectifs du roi Stéphane et de la princesse Aurore.
Pendant longtemps,
malgré son succès littéraire, la fantasy portée à l’écran n’a guère donné de
beaux fruits, hormis quelques rares exceptions parmi lesquelles les adaptations
cinématographiques du Seigneur des
anneaux et de Bilbo le Hobbit par
Peter Jackson. Néanmoins, on a pu voir ces dernières années fleurir de
surprenantes réussites, notamment grâce à la révision des contes de fées, comme
Blanche Neige et le chasseur (malgré
quelques défauts), mais surtout la série télévisée Once upon a time et à présent Maléfique.
Cette réécriture
audiovisuelle de La Belle au bois dormant
s’écarte radicalement des versions littéraires des frères Grimm et de Charles
Perrault, tout comme elle prend volontairement le contre-pied du dessin animé
Disney de 1959. On y retrouve bien sûr les scènes clés (le lancement du mauvais
sort, l’édification de la muraille d’épines, la rencontre du prince et de la
princesse, la plongée de cette dernière dans un sommeil profond…) mais vues
sous un jour totalement nouveau. Ici, ce sont les humains qui ont le mauvais
rôle. Guidés par un roi avide de pouvoir et sans merci, ils se montrent
impitoyables envers les membres du petit peuple.
On pourrait presque
voir dans ce film un retour aux sources du merveilleux, du temps où ce dernier,
païen, n’avait pas encore revêtu ses atours chrétiens. Voire observer, dans la
lutte qui oppose les hommes à la féerie, une métaphore (probablement
inconsciente) du combat livré par l’Église contre les folklores indigènes pour
les étouffer, ou tout au moins les acculturer. Un combat que la fantasy reprend
souvent au nom du merveilleux païen, comme une tentative désespérée de changer
l’issue de cette bataille qui, dans l’histoire, fut moins heureuse pour les
êtres féeriques.
Ce qui est sûr,
c’est que cette nouvelle version de La
Belle au bois dormant brise en mille éclats le mythe du true love kiss, largement diffusé par
l’industrie Disney elle-même, pour le reforger de manière assez inattendue.