Bienvenue sur ces rivages oniriques !

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Rivages oniriques est un blog consacré aux cultures de l’Imaginaire (fantasy, fantastique, science-fiction) et aux cultures de genre (historique, thriller, épouvante…).

Vous y trouverez donc de nombreuses chroniques littéraires, mais aussi des critiques de films, de séries télévisées, d’expositions… et bien d’autres choses encore, toutes liées, de près ou de loin, à ces genres qui nous font rêver, vibrer, cauchemarder, et nous aventurer loin du territoire familier de notre quotidien.

Nous espérons que vous serez nombreux à nous rendre visite.

Et, surtout, n’hésitez pas à laisser une trace de votre passage, à donner vous-mêmes vos avis ou vos conseils de lecture, de visionnage, d’écoute ou d’incursion…

Très bonne visite !

mercredi 13 décembre 2017

Interview Alex Evans

Laissons la parole à…

Alex Evans (auteure)


Après une participation remarquée à la conférence « Le steampunk : un genre poétique et politique » qui s’est déroulée le 5 novembre 2017 au Salon fantastique, Alex Evans, romancière et fondatrice de l’excellent blog Romans de fantasy, revient pour partager avec nous sa passion du steampunk.

Bonjour Alex. Tout d’abord, pouvez-vous nous présenter votre roman, Sorcières associées, paru aux éditions Actu SF ?
Il s’agit d’un roman steampunk un peu particulier, puisqu’il ne se déroule ni dans un Londres brumeux, ni dans le Paris de l’Exposition universelle de 1889 mais à Jarta, une cité imaginaire qui évoque plutôt les grands ports francs asiatiques de la fin du XIXe siècle : Hong Kong, Singapour, Shanghai... Une ville où presque rien n’est interdit, où l’argent règne en maître et où se mêlent peuples et cultures différents, technologie et magie.
Nous suivons les aventures de deux femmes aux caractères diamétralement opposés qui se sont associées pour ouvrir un cabinet de sorcellerie. Elles se retrouvent confrontées à deux affaires : d’une part, elles doivent libérer un vampire envoûté par un mystérieux sorcier qui l’oblige à commettre des meurtres aux quatre coins de la ville et, d’autre part, elles doivent trouver la cause d’incidents étranges survenus dans une usine où les ouvriers traditionnels ont été remplacés par des zombies.
En parallèle, les deux associées doivent aussi gérer des problèmes dans leur vie personnelle : le retour d’une vieille connaissance encombrante pour l’une, une fille préado exubérante pour l’autre.
Le roman aborde de nombreux sujets : le travail, l’argent, le prix à payer pour certaines choses en général, le poids du passé… Mais le thème principal est le changement : changements technologiques de la révolution industrielle qui survient dans cet univers, mais aussi changements personnels pour les deux héroïnes : chacune a dû fuir son pays pour se réfugier à Jarta et refaire sa vie. Enfin, le monde où elles habitent est à l’aube d’un bouleversement sans précédent, puisque la magie, ses créatures, ses règles et ses dangers, y ont fait irruption seulement vingt ans auparavant.

 

Quel a été votre approche du steampunk dans ce roman ?
J’ai volontairement évité les clichés des « grosses machines ». Ce qui m’intéressait, c’était l’esprit du XIXe siècle, son optimisme et sa soif de connaissances. À l’époque, les gens étaient convaincus que le progrès technique ne pouvait qu’apporter le bonheur et les personnages de mon roman partagent cette mentalité. Ils traitent la magie de la même façon que la chimie ou l’électricité : pour eux, c’est une science qui peut déboucher sur un usage pratique. Au lieu de faire des incantations seuls dans leur coin, les nouveaux sorciers ouvrent des cabinets, exactement comme les médecins, les avocats et les notaires, ou font des recherches en laboratoire dans les facultés. Bientôt, on a l’idée de faire tourner les usines avec des zombies, bien plus rentables que des ouvriers vivants. Seulement, si ces hommes « modernes » et « rationnels » croient avoir tout compris, la magie ne va pas s’avérer aussi simple qu’elle en a l’air…

Quel est selon vous l’avenir du steampunk ?
Je pense qu’il va prendre d’autant plus d’importance dans les prochaines années qu’il est un genre récent et innovant par rapport à la fantasy classique. Il n’a pas encore de canons rigides. Aussi, c’est un genre hétéroclite où chaque auteur met ce qu’il veut. On y voit aussi bien des romans qui traitent d’intelligence artificielle que de féminisme, de pollution ou de guerre. C’est aussi un genre qui parle de changement. Dans les romans de S-F ou de fantasy, la technologie est le plus souvent figée. En steampunk, on peut voir une société et sa technologie évoluer au fil des pages. Après tout, c’était l’une des grandes caractéristiques du XIXe siècle. Dans la plupart des romans de fantasy classique, le héros a peu de choix quant à sa profession : noble, roi (chef, général…), guerrier (assassin, mercenaire…), sorcier. L’héroïne, n’en parlons pas. Mais en steampunk, le héros peut aussi être espion, chasseur de monstres, ingénieur, pilote d’aéronef, matelot, scientifique, archéologue, aventurier, explorateur, militaire, artisan, ouvrier, détective, musicien, journaliste, domestique, étudiant… et l’héroïne peut être tout ça aussi ! Car, paradoxalement, ces romans mettent bien souvent en scène des personnages féminins qui n’ont pas besoin de prince charmant pour se tirer d’affaire ! Et autant de métiers, autant de thèmes différents à traiter ! Enfin, le steampunk emprunte souvent au XIXe son dynamisme et son optimisme (n’était-ce pas l’époque des self-made-men ?). On en a besoin en 2017 ! Enfin, peut-être le steampunk évoluera-t-il vers le dieselpunk* ?

Quels romans de steampunk nous conseilleriez-vous ?
La Guerre du Lotus de Jay Kristoff : Dans un pays qui rappelle le Japon des années 1940, tout repose sur la culture du Lotus Rouge qui sert aussi bien de source d’énergie que de médicament, ou à fabriquer les objets du quotidien. Seulement, cette plante toxique et polluante est en train de tuer le pays à petit feu. Les habitants portent constamment des masques à gaz. Les créatures magiques ont déjà disparu. Sur la foi d’un rêve, l’empereur envoie son dernier chasseur et sa fille capturer celui qui serait le dernier griffon…
Ce roman traite magistralement de thèmes comme la pollution, la dictature et, de façon diamétralement opposée, le merveilleux. L’auteur possède un style poétique et très original.
La Mort du nécromant de Martha Wells : Nicholas Valiarde, gentleman-cambrioleur, prépare une terrible vengeance contre le comte Montesq qui a assassiné son maître. Mais des évènements étranges viennent bouleverser ses plans, évoquant le retour d’un sorcier terrifiant.
Pas de grosses machines dans ce roman, mais les ombres du comte de Monte-Cristo et d’Arsène Lupin y rôdent à chaque détour. La plume de l’autrice possède une grande puissance d’évocation et nous voyons apparaître devant nous restaurants, bals, gares et souterrains.
Les Voies d’Anubis de Tim Powers : Le professeur Brendan Doyle accepte de servir de guide lors d’un voyage organisé… dans le temps – plus exactement, l’année 1810 – par un millionnaire excentrique. À la suite d’un quiproquo, il se retrouve plongé dans une aventure rocambolesque, mêlant sorciers égyptiens, mendiants et sociétés secrètes.
Ce roman est considéré comme l’un des fondateurs du steampunk, pourtant vous aurez du mal à y trouver des machines à vapeur ou des engrenages ! Mais c’est un récit malin, enlevé, qui parvient à mêler aussi bien le thème du voyage dans le temps que celui de la mythologie égyptienne, du loup-garou ou de l’identité. Attention cependant : il est truffé de références historiques et littéraires qu’il vaut mieux connaître si vous voulez suivre l’intrigue. Personnellement, je l’ai lu avec un dictionnaire !

Merci, Alex !


Propos recueillis par Troglodyte onirique

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* Le dieselpunk est un dérivé du steampunk. Alors que le steampunk se déroule généralement dans une version alternative du XIXe siècle européen, dans un contexte de Révolution industrielle, le dieselpunk couvre plutôt la période comprise entre le début de la Première Guerre mondiale et le début des années 50.

vendredi 10 novembre 2017

Interview Sébastien Péguin/John Ethan Py

Laissons la parole à...

Sébastien Péguin, alias John Ethan Py (romancier)


Sébastien Péguin/John Ethan Py était présent au Salon fantastique le samedi 4 novembre 2017, de 16 h à 18 h. Il a coanimé avec son éditeur, Dimitri Pawlowski, une conférence sur le roman fantastique : « Comment le réel s’ancre dans le surnaturel (et vice versa) ? », conférence suivie d’une séance de dédicaces de ses trois romans (Le Songe d’Adam, ChessTomb et Le Miroir de Peter).
Vous n’avez pas pu le rencontrer au Salon fantastique ? Rivages oniriques vous offre une séance de rattrapage !
Aujourd’hui, spécialement pour Rivages oniriques, Sébastien Péguin/John Ethan Py revient sur l’écriture du Miroir de Peter, son dernier roman.


Bonjour, Sébastien. Le Miroir de Peter offre une réflexion sur le pouvoir de l’image, et s’accompagne de références audiovisuelles qui raviront les cinéphiles… Te qualifierais-tu toi-même de cinéphile ?
Oui, totalement. Dès l’âge de 12 ans, j’ai été initié au cinéma par mes parents. Nous en parlions beaucoup à la maison et puis, quand j’ai été en âge de pouvoir regarder des films, j’ai commencé : les classiques français, italiens, américains, japonais, russes... Très vite, je me suis aussi passionné pour le ciné horrifique. Donc, cinéphile, oui ! J’ai complété plus tard avec Bollywood.

Quels sont les films qui t’ont le plus marqué ?
Il faudrait distinguer les genres cinématographiques pour répondre. Dans les classiques, j’ai été marqué par Les Ailes du désir (1987) de Wim Wenders, Les Monstres (1963) de Dino Risi et ses suites, Affreux, sales et méchants (1976) d’Ettore Scola, Santa Sangre (1989) d’Alejandro Jodorowsky, La Jetée (1962) de Chris Marker, et la série télévisée L’hôpital et ses fantômes (1994) de Lars von Trier. Dans ma jeunesse : disons que j’ai été marqué par des comédies mordantes comme Gremlins (1984) de Joe Dante. Dans les comédies : Top Secret ! (1984) de Jim Abrahams, David et Jerry Zucker. Dans les films d’horreur : Massacre à la tronçonneuse (1974) bien sûr, de Tobe Hooper, Henry, portrait d’un serial killer (1991) de John McNaughton, Freaks (1932) de Tod Browning, auquel je fais référence, et bien sûr Shining (1980) de Stanley Kubrick.

Ton troisième roman, Le Miroir de Peter, est surprenant et original. D’où t’est venue l’inspiration ?
Sans faire du spoil… oh si, allons-y ! Je voulais depuis longtemps traiter de l’impact de certaines images sur notre réalité. Le thème du miroir m’obsédait aussi, rémanence de rêves de mon enfance. Aussi, en combinant le cinéma et ces autres thèmes, l’intrigue du Miroir de Peter s’est mise en place. Je me suis aussi pas mal inspiré du roman Le Miroir de Satan de Graham Masterton. 

Quand on a lu tes deux précédents romans, également parus aux éditions de l’Homme sans nom, on a l’impression que tu es arrivé à une étape charnière de ton évolution en tant qu’auteur. Ce troisième roman est plus court. Ton style d’écriture semble légèrement différent, plus concis, les mots semblent avoir plus d’impact. As-tu aussi cette impression ? 
Ce n’est pas qu’une impression, mais une volonté de ma part d’aboutir à ce résultat. J’ai travaillé différemment, avec une autre méthode. En effet, il y a une évolution. Je crois qu’il y a encore une autre étape à franchir, mais je suis déjà assez fier du résultat, plus conforme à ce que je cherche à atteindre à mesure que je progresse dans l’écriture de romans de genre.

Pourrais-tu nous en dire plus sur cette « autre méthode » ?
Pour retrouver les conseils de Steve King...
J’ai suivi quelques conseils de mon mentor, Steve King. J’ai écrit tous les jours deux heures par jour, enfermé dans une pièce (souvent une chambre), et à raison de 2 000 mots, selon ce que j’avais le temps de rédiger. Avant cela, j’avais pendant trois mois peaufiné un scénario et une sorte de story board, écrit des scènes que je voulais voir apparaître, et j’avais bien sûr fait le travail de recherche préalable pour les références. Je me suis donc attelé tout l’été à écrire. J’avais prévu de sortir un chapitre par jour pendant 6 semaines, donc 42 chapitres = 42 jours. Le roman contient plus de 40 chapitres, mais le premier jet a été écrit en 39 jours. Voilà pour la méthode. Sur mon bureau de travail (qui variait en fonction de l’endroit où je passais ma semaine), j’avais mis les livres dont je m’inspirais pour ce nouveau roman : La Firme de John Grisham, Le Silence des agneaux de Thomas Harris, et la biographie de Lewis Carroll.

Travailles-tu actuellement sur un nouveau projet d’écriture ?
Plus ou moins. Ce projet n’est pas romanesque, mais tourne autour du développement personnel et de la loi d’attraction*.

Vient la fin de cette interview avec une dernière question : quel était le dernier livre que tu as lu ? Nous le conseillerais-tu ?
Eh bien, écoute, le dernier que j’ai lu n’était pas encore traduit et s’intitulait The Compound Effect de Darren Hardy, un livre sur l’effet cumulé donc, c’est-à-dire tous les petits actes qui, accomplis quotidiennement et avec persistance, créent une grande différence dans le temps. Je ne le recommande qu’aux lecteurs anglophones. Sinon, très très vivement conseillé : Conversations avec Dieu de Neale Donald Walsch. Et un très bon roman d’épouvante de la nouvelle vague anglaise : Derniers jours d’Adam Nevill.

Merci, Sébastien, de t’être prêté au jeu des questions pour cette interview. Et à très bientôt au Salon fantastique !
Merci, Estelle. C’est toujours un plaisir. À bientôt.


Propos recueillis par Troglodyte onirique

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* La loi de l’attraction a été popularisée grâce à deux best-sellers de développement personnel : Réfléchissez et devenez riche, de Napoleon Hill, et Le Secret de Rhonda Byrne. Cette « loi » part du principe que les événements qui se déroulent dans notre vie, positifs ou négatifs, sont attirés par nos pensées (positives ou négatives). Les auteurs préconisent donc d’apprendre à mieux formuler nos pensées pour n’attirer que les choses souhaitées.

mercredi 11 octobre 2017

Saga Percy Jackson

Percy Jackson (saga intégrale – 5 tomes*)

de Rick Riordan (Albin Michel**)



Résumé :
Depuis toujours, Percy Jackson ne se sent pas comme les autres. Il est hyperactif et dyslexique, son cas est encore aggravé par un déficit de l’attention. Il n’a jamais connu son père et vit avec sa mère, cohabitant difficilement avec son ivrogne de beau-père…
Difficile de démarrer dans la vie avec autant de handicaps !
Au collège, Percy a du mal à s’intégrer et ses notes laissent à désirer. Régulièrement, les sorties scolaires auxquelles il participe s’achèvent par une catastrophe dont il semble être le responsable. Il passe d’école en école, accumulant les renvois et les mises en garde.
Jusqu’au jour où un événement plus étrange que d’habitude le propulse dans une colonie un brin spéciale : la colonie des Sang-Mêlé. Une colonie de jeunes, comme lui. Une colonie de demi-dieux.


Critique :
Une série portée par un souffle épique et un humour dévastateur !
Les aventures de ce sympathique demi-dieu vous plongent dans un monde merveilleux aux faux-airs d’Harry Potter. Si la comparaison avec la saga du petit sorcier à lunettes est évidente au début, elle s’efface progressivement à mesure que Rick Riordan trouve sa voix, donnant un réel ADN à sa série. Commencer Percy Jackson, c’est risquer de ne plus pouvoir s’arrêter, d’autant que les personnages gagnent en profondeur au fil des tomes, qui deviennent de plus en plus originaux à mesure que l’univers grandit.
Rick Riordan vous retient rapidement en otage de ses histoires, et vous flânez avec plaisir dans cette Amérique enchantée et divinisée, prisonnier libre et heureux.
Cette saga est aussi une excellente façon de se familiariser avec la mythologie gréco-romaine, ou de s’amuser à dresser les parallèles avec les mythes antiques et à retrouver les références pour ceux qui la connaissent déjà.
Alors, oserez-vous défier les dieux ?


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* Une critique du premier tome de la série avait déjà été publiée sur Rivages oniriques, mais il nous a semblé qu’une petite mise à jour après la lecture de l’intégrale s’imposait, d’autant que la saga se bonifie au fil des livres, les petits défauts relevés dans le tome 1 s’effaçant progressivement. Néanmoins, si vous souhaitez retrouver un avis plus détaillé du premier opus, Le Voleur de foudre, suivez-ce lien : https://rivagesoniriques.blogspot.fr/2014/06/
** Existe aussi en poche.

mercredi 4 octobre 2017

Le Miroir de Peter

Le Miroir de Peter 

de John Ethan Py (éditions de l’Homme sans nom) 

 

Résumé :
Satiajit Wilcox se voit proposer une opportunité professionnelle peu commune : faire la psychanalyse de George Mothershield, un romancier d’horreur aux best-sellers régulièrement adaptés au cinéma. À la clé, une somme rondelette et l’entrée garantie dans le cercle très privé d’Hollywood. Une occasion en or ?
Le choix n’est pourtant pas si aisé. L’accord avec les Mothershield exige qu’il vienne habiter en Oregon, à des centaines de kilomètres de son épouse enceinte et enchaînée à son travail. Satiajit accepte pourtant, confiant dans son couple et en l’avenir.
Mais très vite, la situation s’assombrit. L’obsession de George Mothershield, qui visionne certains films en boucle à la recherche d’une image, est communicative. La femme du romancier, Martha, tour à tour éplorée et dominatrice, rend le psychanalyste mal à l’aise. Et cette maison… cette maison, remplie de miroirs et de reflets démultipliés, prend parfois des airs de labyrinthe hanté…




Critique :
Le Miroir de Peter, c’est l’odyssée d’un homme ordinaire embarqué dans une histoire démentielle. Dans ce roman, personne n’est ce qu’il semble être, et la folie qui guette le personnage principal, Satiajit, le rapproche en fin de compte de la vérité. D’une vérité terrible et insoupçonnable.
En plongeant dans la névrose de l’écrivain, Satiajit et le lecteur vont (re)découvrir les grands classiques de la littérature et du cinéma. Des grands classiques qui tous ont un élément en commun : le miroir. Mais pas n’importe quel miroir… un miroir aux origines troubles, qui ouvre sur une autre réalité, sombre et angoissante…
La lecture de ce troisième roman de l’auteur (après Le Songe d’Adam, publié sous le nom de Sébastien Péguin, et ChessTomb) nous révèle une nouvelle facette de John Ethan Py. Ce roman est plus court que les précédents, mais c’est surtout son style qui semble avoir mûri. Il s’est en tout cas épuré, est devenu plus nerveux, plus efficace, davantage dans la veine des thrillers contemporains.
L’intrigue du Miroir de Peter est également plus linéaire, et le rythme s’en retrouve peut-être un peu inégal. Le début intrigue, démarre sur une excellente note avec un chapitre 0 obscur et fascinant (qui s’éclaire d’un nouveau jour quand on le relit après avoir passé le mot « Fin »). Puis il y a une petite baisse de tension : le héros est assez passif dans un premier temps (normal, c’est un psychanalyste…), et le surnaturel est distillé assez lentement jusqu’à la moitié du roman. Mais la seconde partie, et surtout la fin vertigineuse, pleine de retournements de situations, relancent le récit sur les chapeaux de roues. La révélation de la dernière page est glaçante et totalement inattendue.
John Ethan Py a pris le parti de ne pas tout expliquer ou justifier. Quelques points resteront donc dans l’ombre, à charge d’interprétation du lecteur. Pourtant, on sent que l’intrigue est maîtrisée, un peu comme dans les films de David Lynch ou Stanley Kubrick mentionnés par l’auteur, et à qui ce dernier rend de nombreux hommages.
Le pari pouvait sembler risqué, mais le résultat est parfaitement à la hauteur. Alors… attention à la marche... on vous promet une chute vertigineuse !

mardi 19 septembre 2017

Les Enchantements d’Ambremer

Les Enchantements d’Ambremer

« Le Paris des Merveilles » tome 1

de Pierre Pevel (éditions Bragelonne*)

 

Résumé :
Une baronne en fuite armée de magie, aussi belle enchanteresse que divinement aventureuse. Un mage charmeur et charmant sur la piste de trafiquants d’objets magiques. Un diplomate battant haut le pavé mais trempant dans les intrigues les plus dangereuses…
Cela ne vous suffit pas ? Ajoutez à cet avant-goût un chat ailé un peu trop fier, des gargouilles très en colère, une armada de fées, d’ogres, de gnomes, de chênes doués de parole, une tour Eiffel faite d’un bois blanc qui chante à la lune, et vous aurez un vague aperçu de ce qui vous attend dans ce premier tome du « Paris des Merveilles ».
Alors n’hésitez plus, embarquez dans le Train-Entre-les-Mondes et laissez-vous mener par le plus merveilleux des guides… car c’est Pierre Pevel qui conduit la locomotive. 


Critique : 
Sous la plume enchanteresse de Pierre Pevel, Paris respire la magie et la joie de vivre...
Si Alexandre Dumas père a donné de beaux enfants à son amante passionnée l’Histoire, que dire de Pierre Pevel, son fils spirituel ? Lui qui a réécrit de nombreux épisodes historiques en les mâtinant de fantasy : le Saint-Empire romain germanique embrasé par la guerre de Trente Ans dans « La trilogie de Wielstadt », la France de Louis XIII et Richelieu dans « Les Lames du Cardinal »… ses deux séries parmi les plus connues en sont de bons exemples.
Mais avec Les Enchantements d’Ambremer, Pierre Pevel semble nous prouver que son cœur appartient à Paris. Ce Paris que l’auteur a l’air de connaître sur le bout des doigts : un Paris rêvé, transcendé, émerveillé.
Le style légèrement précieux de Pierre Pevel a sans aucun doute le charme des romanciers d’antan, dont il nous donne envie de découvrir ou redécouvrir les livres que le temps a changé en classiques. Car ce « Paris des Merveilles » est un véritable hommage aux romanciers populaires des XIXe et XXe siècles (Alexandre Dumas père, Jules Verne, Maurice Leblanc, Gaston Leroux…).
Pierre Pevel nous plonge ainsi dans une aventure rocambolesque drôle et légère, menée par de joyeux trublions. Et parmi tous ces personnages truculents, le moindre n’est pas le narrateur, qui n’est nullement acteur de l’intrigue mais ne se prive pas de temps à autre de commenter les actions des héros en jouant avec les codes de la fiction dans une mise en abyme humoristique…
Aucun temps mort ne vient troubler cette succession de rebondissements brillamment imaginés. Si bien que le mot « Fin » devient une injure à l’appétit du lecteur, qui se voit obliger de poursuivre avec les deux tomes suivants, L’Elixir d’oubli et Le Royaume immobile.
Mais quel plaisir d’être ainsi enchaîné à ses passions…



* Existe aussi en poche.

samedi 26 août 2017

LES BREVES DE CINEMA... ATOMIC BLONDE

ATOMIC BLONDE

film réalisé par David Leitch 


Atomic Blonde, le manuel de survie d’une guêpe dans un nid de frelons…

Présentation : L’agent Lorraine Broughton est une des meilleures espionnes du Service de renseignement de Sa Majesté ; à la fois sensuelle et sauvage et prête à déployer toutes ses compétences pour rester en vie durant sa mission impossible. Envoyée seule à Berlin dans le but de livrer un dossier de la plus haute importance dans cette ville au climat instable, elle s’associe avec David Percival, le chef de station local, et commence alors un jeu d’espions des plus meurtriers.

 

« Atomic Blonde » est le pendant féminin de John Wick. D’ailleurs, pour les besoins de ce film, Charlize Theron s’est entraînée avec Keanu Reeves (qui se préparait alors pour John Wick 2).

6 bonnes raisons d’aller voir ce film : la musique, l’ambiance des années 80, les scènes d’action millimétrées, les plastiques irréprochables de Charlize Theron et Sofia Boutella (la momie dans… La Momie), et le cabotinage de James McAvoy. Et puis vous verrez enfin à l’écran une femme qui sait se servir de ses talons aiguilles… un oiseau rare, convenez-le.

vendredi 18 août 2017

Miss Peregrine et les enfants particuliers - trilogie


Miss Peregrine et les enfants particuliers - trilogie

de Ransom Riggs (éditions Bayard)


Résumé :
Jacob éprouve une admiration sans bornes pour son grand-père, Abraham Portman, qui l’a bercé durant toute son enfance d’histoires fabuleuses, peuplées d’enfants aux pouvoirs merveilleux en lutte contre des créatures monstrueuses. Si Jacob a grandi en se détachant de ces contes de fées, il se rend compte qu’Abraham y croit sincèrement et n’a plus toute sa tête…
Mais la vie de Jacob bascule quand son grand-père se fait tuer sous ses yeux. Certain d’avoir vu l’une des créatures inventées par Abraham se repaître de son cadavre, l’adolescent croit sombrer dans la folie. Après plusieurs mois de suivi psychologique, obsédé par le mystère entourant son grand-père, Jacob convainc ses parents de le laisser partir sur ses traces. Avec son père, il rejoint l’île de Cairnholm pour visiter l’orphelinat de Miss Peregrine dans lequel Abraham a passé une partie de son enfance...
Beaucoup de fantômes semblent planer sur ce bâtiment abandonné.
Mais en démêlant les fils du passé, c’est son avenir que Jacob va trouver…


Critique :
Soyons honnête : les enfants particuliers de Ransom Riggs font beaucoup penser aux mutants d’X-Men, et la communauté dirigée par Miss Peregrine trouve un parfait écho en l’école du professeur Xavier… Le principe des boucles temporelles n’est pas une idée nouvelle non plus et se retrouve à la base de bon nombre de films et séries. Le pitch de Miss Peregrine et les enfants particuliers pourrait donc faire penser à un simple remake d’X-Men pour adolescents.
Et pourtant… Cette trilogie a su petit à petit séduire un large public, jusqu’au grand Tim Burton lui-même qui en a réalisé une adaptation cinématographique sortie dans les salles françaises le 5 octobre 2016.
Alors, comment expliquer ce succès ? Si l’idée principale n’est pas originale en soi, le résultat n’en reste pas moins saisissant. Car Ransom Riggs, dont Miss Peregrine et les enfants particuliers est le premier roman, a su transformer ce matériau de base assez ordinaire en une perle baroque digne d’attention. La trilogie baigne dans une atmosphère oppressante, balancée par un merveilleux étrange et fascinant. L’étrangeté de ces enfants et animaux particuliers, naïfs, innocents, mais à la détermination féroce et aux pouvoirs effrayants, se déploie dans un univers à l’esthétique délicieusement vintage, alternant époque contemporaine et boucles temporelles situées dans le passé. Une partie de l’intrigue évolue ainsi dans le Royaume-Uni de 1940, angoissant de réalisme avec ses bombardements et ses bâtiments en ruines, tout en comptant des excursions dans d’autres lieux et d’autres époques, toujours chargés de mystère et de vie.
Mais c’est dans les détails que Ransom Riggs trouve sa voix et impose son originalité. Et son idée la plus magistrale, qui est sans doute à l’origine du succès de sa trilogie, est d’avoir ponctué son récit d’anciennes photographies glanées dans des marchés aux puces ou des vide-greniers. Ce sont elles, en grande partie, qui donnent aux romans cette saveur si… particulière. D’après l’auteur, certaines de ces photos contiennent des trucages d’époque mais presque toutes sont authentiques, c’est-à-dire que très peu ont été retouchées numériquement pour les besoins des livres. Mieux : ce serait ces vieux clichés sépia qui auraient inspiré à l’auteur cette histoire insolite…
La contrepartie de ce procédé d’écriture romantique ? Quelques rebondissements peu crédibles, prenant la forme de pirouettes. Une action qui s’étire à certains endroits. Et pour Jacob, une prise en main de son pouvoir trop facile, pas toujours très convaincante… Mais, noyés dans une fresque surprenante, ces petits défauts n’entament pas le charme de ces aventures rocambolesques.
Une curiosité littéraire à ne pas manquer.


En bref, Miss Peregrine et les enfants particuliers, c’est :

Un tome 1 surprenant, qui présente l’univers et les personnages, mais dont la fin, abrupte, laisse un goût d’inachevé.

Un tome 2 un peu moins inspiré, lent à se mettre en place, qui inversement trouve surtout son souffle dans le dernier tiers du livre.

Un tome 3 qui démarre sur les chapeaux de roue et tient toutes ses promesses.

La trilogie s’accompagne de photos originales et saisissantes qui participent à vous faire vivre « une expérience de lecture unique », tel que l’a si bien décrit John Green, auteur de Nos étoiles contraires et lecteur enthousiaste de la trilogie de Ransom Riggs.

jeudi 27 juillet 2017

Toute la beauté du monde n’a pas disparu

Toute la beauté du monde n’a pas disparu 

de Danielle Younge-Ullman

(éditions Gallimard « Scripto »)



Résumé :
Mais pourquoi la mère d’Ingrid a jugé bon de l’envoyer dans ce foutu camp d’été ? La vie en pleine nature est loin d’être au goût de la jeune fille, et ne correspond en rien à l’éducation que sa mère lui a donnée.
Pourtant, Ingrid est bien décidée à relever le défi. Malgré les moustiques, les tentes de guingois, les marches forcées et la promiscuité avec des jeunes « à risque »…
Armée de sa plume et de son humour (et de ses pieds !), Ingrid va découvrir ses compagnons de galère. En plongeant dans ses souvenirs, elle va aussi essayer de comprendre ce qui l’a menée ici. Faire un peu de tri dans les émotions qui bouillonnent en elle.
Car Ingrid est en colère. Elle se sent trahie, abandonnée par cette mère adorée et haïe tout à la fois. Et contrairement à ce qu’Ingrid croit, la survie en milieu sauvage n’est pas son plus grand défi. Elle devra apprendre quelque chose de bien plus dur, de bien plus grand : le pardon.


Critique :
Danielle Younge-Ullman vous injecte de l’émotion pure directement dans les veines, vous fait passer du rire aux larmes en un claquement de doigts. Et elle nous offre ici un merveilleux roman coup de poing, avec, incluse, la bouteille de Synthol…
En louvoyant entre les lettres dépitées et bourrées d’un humour grinçant à sa mère, les souvenirs d’enfance et la vie au camp, on découvre petit à petit les relations complexes qu’entretient Ingrid avec la grande Margot-Sophia Lalonde. Des relations tendues, mais aussi pleines d’affection, de rêves et de souvenirs qui n’appartiennent qu’à elles seules.
Toute la beauté du monde n’a pas disparu est une réussite totale, servie par une narration atypique, et menée par un suspense maîtrisé de main de maître. Jusqu’à la révélation finale, époustouflante.
C’est aussi un roman qui n’a pas froid aux yeux. Il traite en toile de fond des sujets forts, souvent tabous : le viol, l’emprise des sectes, l’homosexualité, la dépression, le suicide… sans jamais tomber dans le misérabilisme.
C’est enfin une galerie de personnages tous plus attachants les uns que les autres. En commençant par Ingrid, une jeune fille maniérée et un peu chochotte au premier abord, mais à la volonté de fer et au courage incroyable.
Puis il y a le portrait magnifique d’une mère imparfaite, Margot-Sophia, sans doute trop consciente de son imperfection. Cette femme à l’âme brisée, fière et insoumise, qui représente aussi bien un modèle qu’un contre-modèle pour sa fille…
Il y a Andreas aussi, l’homme idéal.
Et Isaac.
Et Tavik.
Et Ally, et Seth, Bob, Melissa… autant d’amis que vous apprendrez à aimer… ou à détester.
Drôle, piquant, bouleversant… Toute la beauté du monde n’a pas disparu n’est pas une lecture qu’on peut oublier une fois la dernière page terminée. C’est un livre qui continue de vous hanter pendant des mois. Qui vous sort de votre corps pour vous faire vivre des souvenirs intenses, ceux d’Ingrid qui, pendant quelque temps, seront aussi les vôtres.

samedi 29 avril 2017

Bubba Ho-Tep

Bubba Ho-Tep

film réalisé par Don Coscarelli


Résumé :
Non, Elvis n’est pas mort ! Par un curieux coup du sort, il coule ses derniers jours dans une paisible maison de retraite perdue au fin fond du Texas. Enfin, pas si paisible que ça. Car les pensionnaires meurent les uns après les autres sans que personne ne s’en inquiète. En effet, qui s’étonnerait de la mort de vieux croulants oubliés dans un hospice ?
Ce n’est pourtant pas une Faucheuse ordinaire qui rôde dans ces couloirs, mais une créature bien plus ancienne que le rock’n’roll…
Avec l’aide d’un vieux Black un peu cintré, Elvis va tout faire pour débusquer le voleur d’âmes qui hante la pension. Et il est bien décidé à brûler ses dernières cartouches s’il le faut…


Critique (attention, spoilers) :
Considéré par beaucoup comme un film culte au même titre que les Evil Dead (portés par le même acteur principal, Bruce Campbell), Bubba Ho-Tep n’a pourtant pas été façonné dans le même creuset. Alors que les Evil Dead parodient les films d’épouvante assez gore, Bubba Ho-Tep surfe plutôt sur la vague de la comédie fantastique, très légèrement teintée d’horreur.
Après un démarrage tout en douceur, voire un peu lent, on rentre enfin dans le vif du sujet : le dernier combat d’Elvis contre une momie égyptienne ! Cette dernière s’est éveillée de son repos pas si éternel que ça et se nourrit de l’âme des vivants pour garder la pêche. L’humour est parfois un peu cru, l’intrigue fantastique n’est pas d’une originalité folle, et le combat final pas vraiment spectaculaire. Alors pourquoi regarder ce film ? Parce que son originalité se trouve ailleurs. Dans les deux personnages principaux, pour être exact.
Bubba Ho-Tep, c’est la renaissance de deux grands mythes qui ont fait l’Amérique, Elvis Presley et John Fitzgerald Kennedy. Enfin, a priori l’authentique Elvis Presley, et un vieillard noir obsédé par les théories du complot, prétendant être l’ancien président JFK ! Deux personnes ayant eu le monde à leurs pieds pour l’un, croyant l’avoir eu pour l’autre, qui ont perdu leur dignité dans la lente décomposition de l’être que sont la vieillesse et la vie dans un hospice douteux. Deux héros au crépuscule de leur vie qui s’interrogent sur leurs actions passées et la valeur de leur existence. Deux vieillards au caractère bien trempé décidés à regagner leur honneur sur le champ de bataille.
N’empêche ! difficile de courir avec un déambulateur... On comprend alors mieux pourquoi les scènes d’action ne peuvent être grandioses.
Malgré ses défauts et ses imperfections, Bubba Ho-Tep est drôle, touchant, servi par d’excellents interprètes. Ce film ne vous laissera peut-être pas un souvenir impérissable. Mais il vous emplira de la nostalgie d’une époque mi-réelle, mi-rêvée, et d’un sentiment doux-amer qui vous resteront longtemps, comme la trace d’un parfum adoré et oublié…