La guerre de Troie n’aura pas lieu
de Jean Giraudoux (éditions Larousse)
Résumé :
En enlevant Hélène aux Grecs, Pâris amène le conflit aux portes de Troie. Son frère, Hector,
revenu de campagne, las de la guerre, veut l’obliger à mettre un terme à son
aventure amoureuse en rendant la femme de Ménélas à son époux. Mais Pâris n’est
pas le seul à refuser de se séparer de la belle Hélène…
Critique
(attention, spoilers) :
Nous connaissons
tous la chute de Troie. Reprenant les grandes lignes de la tragédie antique,
Jean Giraudoux a choisi de n’aborder, dans cette pièce de théâtre écrite en
1935, que les prémices de la guerre entre Grecs et Troyens, à un temps où elle
peut encore être évitée. Encore faut-il que ce soit possible, car le Destin
implacable veille à ce que ses projets se réalisent en dépit de toutes les
tentatives de paix…
En réalité, La guerre de Troie n’aura pas lieu ne
parle pas de la guerre de Troie. Ou, plus exactement, Giraudoux utilise ce
mythe grec pour parler de la guerre en général et faire écho, en particulier, à
la situation européenne au cours des quelques années précédant la Seconde
Guerre mondiale, alors que le conflit avance à grands pas, au su de tous, sans
que personne n’ose intervenir.
Malgré la menace
qui pèse sur les personnages, malgré ce sombre parallèle, Jean Giraudoux
parvient à faire de cette tragédie une comédie fine et parfois osée en jouant
sur différents ressorts propres au théâtre (le comique de situation, le comique
de gestes et celui de mots), mais aussi la parodie, les anachronismes,… jusqu’au
couperet final de la déclaration de guerre.
Mais ne nous y
trompons pas. Sous la forme plaisante, le fond est grave, voire cynique, et les
scènes burlesques soutiennent l’attention du spectateur tout en soulignant les
moments sombres. Car dans cette réécriture moderne du mythe, deux camps
s’affrontent : ceux qui veulent la paix (dont se réclame Jean Giraudoux)
et ceux, plus véhéments encore, qui veulent la guerre. Puis il y a Hélène,
distante, aux motivations un peu troubles. Et enfin le Destin.
La fatalité
inhérente à la tragédie est dans chaque personnage. Elle est dans Cassandre qui
voit l’avenir se profiler sans pouvoir lui faire changer sa course. Elle est
dans Hector qui « gagne chaque combat. Mais de chaque victoire
l’enjeu s’envole » (acte II, scène 11). Dans Hélène, qui paraît insensible
et superficielle au premier abord, et qui révèle ensuite un raisonnement
singulier mais empli d’une logique implacable sous ses atours mystérieux. Ou
encore dans Ulysse au verbe clair et pénétrant, dont la ruse et le talent ne
suffiront pas à convaincre les Grecs de préserver la paix.
« La guerre
de Troie n’aura pas lieu », lance Andromaque à Cassandre à l’ouverture du
rideau.
« La guerre
de Troie n’aura pas lieu », soutient Hector tout au long de la pièce.
Mais le Destin
dépasse la volonté des hommes. La guerre de Troie aura lieu, bel et bien. La
Seconde Guerre mondiale aussi.