Un bûcher sous la neige
de Susan Fletcher (éditions Plon)
Résumé :
Corrag la
sorcière. La putain. La gueuse. Voilà ce qu’ils disent d’elles. Ils l’ont
honnie, accusée, pourchassée, comme sa mère et sa grand-mère avant elle. Peu
importe que sa connaissance des plantes ait soulagé les maux et sauvé des vies.
Tout le monde sait que la guérison par les simples est de la sorcellerie,
n’est-ce pas ?
Enfermée dans une
geôle sombre et puante, les cheveux hirsutes et la face noire de crasse, la
jeune Corrag attend le dégel qui la verra brûler sur le bûcher.
C’est alors que la
providence place sur son chemin un homme de foi. Celui-ci entre à contrecœur
dans sa prison pour obtenir des renseignements. Elle aurait, dit-on, été le
témoin d’un massacre perpétré sur l’ordre du roi Guillaume, l’usurpateur. Car Charles Leslie est
jacobite. Il agit en faveur du retour du roi Jacques, forcé à l’exil par ce que
la postérité a retenu sous le nom de Glorieuse Révolution. Et le récit échevelé
de cette fille du Diable pourrait lui être utile.
Bravant son
dégoût, l’homme de foi s’assied et écoute. Corrag raconte d’abord son histoire,
faite de fuite et d’isolement, de contemplation, d’émerveillement et de joies
simples. Puis elle aborde sa rencontre avec le clan MacDonald, des Highlanders,
avant que ce dernier soit décimé par les soldats de Guillaume.
Au fil des jours, le
cœur et les convictions de Charles se brouillent. Cette créature, pas plus
grande qu’une fillette, a une façon de parler et un comportement étranges,
certes. Mais est-elle vraiment le jouet des ténèbres que les gens bien pensants
redoutent et exècrent ?
Critique
(attention, spoilers) :
Un
bûcher sous la neige
est un roman historique qui ne doit pas se réduire à cette classification. Bien
que son intrigue se déroule dans les Highlands du xviie siècle, le contexte historique semble assez
anecdotique par rapport au personnage de Corrag, la narratrice, qui raconte son
enfance anglaise puis sa vie de jeune adulte en Écosse.
Tout au long de
son existence, pour se préserver, Corrag a fui la compagnie des hommes, se
tenant délibérément à l’écart de l’humanité, de ses violences et de ses
conflits, de son histoire. À certains
moments clés de sa vie néanmoins, les affaires humaines l’ont rattrapée, comme à
la fin du roman où l’Histoire précipite sa chute et celle de ceux que la sorcière a côtoyés, a appris à connaître
et à aimer, en dépit de son exil.
L’Histoire n’est
donc qu’un personnage secondaire dont l’importance se fait surtout sentir dans
les derniers chapitres. De ce fait, il y a assez peu d’action (sauf, encore une
fois, à la fin, où le temps pour agir semble manquer à l’héroïne après toutes
ses années de contemplation).
C’est donc, au-delà
du roman historique, le portrait d’une très belle âme que nous dresse ici Susan
Fletcher, une âme qui n’est qu’amour, tolérance, bonté et innocence. Le personnage
de Corrag pourrait énerver ou mettre mal à l’aise tant il semble moralement
parfait. Pourtant, dès le départ, on se glisse dans la tête et la peau de cette
héroïne avec une facilité déconcertante. Corrag est terriblement attachante.
Parce qu’elle a vécu des choses atroces, parce qu’elle en parle sans donner
l’impression de s’en plaindre, mais qu’elle ne tend pas non plus l’autre joue.
Ce n’est pas une sainte ou une martyre, supportant stoïquement la peine vécue
au cours de sa vie terrestre, convaincue que la qualité de son séjour éternel
dépende de ses actions quotidiennes. La jeune fille n’est pas chrétienne. Elle
s’est construit sa propre religion, ses propres croyances, que l’on pourrait
qualifier de païennes et d’animistes. Autant que possible, Corrag a tenté de
fuir la douleur, de trouver le bonheur. Et elle le trouve partout, malgré les
malheurs qui la frappent de plein fouet. Elle aime la vie, se contentant de
petites choses simples qui lui paraissent grandioses. Elle puise son bien-être
et ses forces dans la beauté de la nature et des âmes humaines, qui toutes ne
sont pas mauvaises, en portant sur le monde un regard très contemplatif. Un
regard de sorcière ?
Note :
Vous pourrez
prochainement retrouver cette critique sur le blog http://lilleauxlivres.wordpress.com/,
club de lecture lillois pour lequel je quitte de temps en temps ma grotte
enfumée afin de partager d’oniriques lectures. N’hésitez pas à y faire un saut,
il y a plein de critiques de livres qui n’attendent que d’être dévorés !